Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
TRAVAUX i PRACE RECZNE
18 mars 2009

A la mi-carême

roze_dla_ciebie 21810274_p roze_dla_ciebie_0
                    1
Le carnaval s'en va,les roses vont éclore;
Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.
Cependant du plaisir la frileuse saison
Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que , soulevant les voiles de l'aurore,
Le Printemps inquiet parait à l'horizon.
                   2
Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire;
Bien que le laboureur le craigne justement,
L'univers y renait ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s'y disputent l'empire.
Qu'y faire ?Au temps des fleurs , le monde est un enfant;
C'est sa première larme et son premier sourire.
                    3
C'est dans le mois mars que tente de s'ouvrir
L'anémone sauvage aux corolles tremblantes.
Les femmes et les fleurs appllent le zéphyr;
Et du fond des boudoir les belles indolentes,
Balançant mollement leurs tailles nonchalantes,
Sous les vieux marronniers commencent à venir.
                    4
C'est alors que les bais ,plus joyeux et plus rares ,
Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares;
A ce bruit qui nous quitte,on court avec ardeur;
La valseuse se livre avec plus de langueur;
les yeux sont plus hardis, les  lèvres moins avares,
La lassitude enivre,et l'amour vient au coeur.
                        5
S'il est vrai qu'ici-bas l'adieu de ce qu'on aime
Soit un si doux chagrin qu'on en voudrait mourir,
C'est dans le mois de mars ,c'est à la mi-carêmme,
Qu'au sortir d'un souper un enfant du plaisir
Sur la valse et l'amour devrait faire un poème,
Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.
                     6
Mais qui saura chanter tes pas pleins d'harmonie,
Et tes secrets divins,du vulgaire ignorés,
Belle Nymphe allemande aux brodequins dorés?
O Muse de la valse!ô fleur de poési!
Où sont ,de notre temps,les buveurs d'ambroisie
Dignes de s'étourdir dans tes bras adorés?
                      7
Quand,sur le Cithéron,la Bacchanale antique
Des filles de Cadmus dénouait les chevux,
Et si quelque profane,au son de la musique,
S'élançait dans les choeurs,la prêtresse impudique
De son thyrse de fer frappait l'audacieux.
                    8
Il n'en est pas ainsi dans nos fêtes grossières;
Les vierges aujourd'hui se montrent moins sévères,
Et se laissent toucher sans grâce et sans fierté,
Nous ouvrons à qui vent nos quadrilles vulgaires;
Nous perdons le respect qu'on doit à la beauté,
Et nos plaisirs bruyants font fuir la volupté.
                  9
Tant que régna chez nous le menuet gothique,
D'observer la mesure on se souvient encor,
Nos pères la gardaient aux jours de thermidor,
Lorsqu'au bruit des canons dansait la Répoublique,
Lorsque la Tallien,soulevant sa tounique,
Faisait de ses pieds nus claquer les anneaux d'or.
                10
Autres temps ,autres moeurs;le rythme et la cadence
Ont suivi les hasards et la commune loi,
Pendant que l'univers ,ligué contre la France,
S'épuisait de fatigue à lui donner un roi,
La valse d'un coup d'aile a détrôné la dance.
Si quelqu'un s'en est plaint,certes ,ce n'est pas moi.
                  11
Je voudrais seulement,puisqu'elle est notre hôtesse,
Qu'on sût mieux honorer cette jeune déesse.
Je voudrais qu'a sa voix on pût régler nos pas,
Ne pas voir profaner une si douce ivresse,
Froisser d'un si beau sein les contours délicats ,
Et le premier venu l'emporter dans ses bras.
                      12
C'est notre barbarie et notre indifférence
Qu'il faut accuser;notre esprit inconstant
Se prend de fantaisie et vit de changement;
Mais le désordre même a besoin d'élégance;
Et je voudrais du moins qu'une duchesse,en France,
Sût valser aussi bien qu'un bouvier allemand.
           Alfred De Musset

Publicité
Commentaires
TRAVAUX i PRACE RECZNE
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 111 358
Publicité